RIVO RAKOTOVAO « Les injustices créent une fracture sociale »

« Rien ne va plus dans ce pays !». Tel est le constat de la plupart des observateurs politiques par rapport à la situation vécue par la population depuis ces dernières années. Une situation caractérisée, de façon globale, par de nombreux dysfonctionnements des affaires nationales. Le président national du parti « Hery Vaovao ho an’i Madagasikara » (HVM), Rivo Rakotovao nous en parle, lors d’un entretien à bâtons rompus.

Monsieur le président, comment voyez-vous la situation qui prévaut actuellement dans le pays ?

Les institutions sont bafouées et ont beaucoup perdu de leur valeur. La séparation des pouvoirs n’existe plus : l’Assemblée nationale et le Sénat sont censés être un pouvoir d’équilibre, mais ils n’ont même plus le droit de s’exprimer. Cela devient très inquiétant pour notre démocratie et pour le développement du pays.

Par rapport à ce constat, que suggérez-vous comme priorité pour la relance, justement, du processus du développement socioéconomique du pays ?

Je tiens d’abord à préciser que, quand je dis que les institutions n’ont plus de valeur, cela procède notamment des nombreuses illégalités et injustices dans les décisions prises pour la conduite des affaires nationales. Celles-ci sont manifestement caractéristiques de la mauvaise gouvernance. Les violations de la loi sont répétitives dans de nombreux domaines… Et tout cela ne contribue pas à la relance du développement escompté. Pour moi, tous les voyants sont au rouge. Concernant par exemple les infrastructures comme les routes, presque toutes sont délabrées ou dans état lamentable. On sait que beaucoup d’argent a été consacré au développement de ces infrastructures mais ce n’était plutôt que de l’argent jeté par la fenêtre et gaspillé pour rien. Qu’a-t-on fait de l’argent du FER (Fonds d’entretien routier) ? Les dirigeants savent pertinemment que nous n’avons pas tous les financements nécessaires pour notre développement, mais bien au contraire les financements obtenus n’ont pas été utilisés à bon escient car la plupart sont allés vers d’autre destination. Actuellement, on voudrait développer ce projet de téléphérique ou transport par câble, mais est-ce vraiment une priorité pour le pays ? Le financement de ce projet aurait pu être affecté à la construction ou à la réhabilitation de barrages pour irriguer les rizières ou d’autres champs de culture, comme par exemple le barrage de Bemaraha. Et j’en passe car les exemples sont légion… Mais ces exemples sont quand même parmi les menus autres problèmes soulevés qui affectent le processus du développement et qui ont été dénoncés à juste titre par ces voix que l’on pourrait qualifier de voix qui portent, je veux dire celles de la présidente de l’Assemblée nationale Christine Razanamahasoa et du président du Sénat Herimanana Razafimahefa lorsqu’ils ont voulu faire part de leur vision de la situation dans le pays. Malheureusement, cela leur valu la déchéance de leur mandat respectif. Ce qui est une décision déplorable. En tout cas, ces décisions vont générer un sentiment d’injustice sociale ; une injustice qui veut dire aussi fracture sociale.

Si vous voulez bien, on passe à un autre sujet d’actualité, c’est-à-dire les élections législatives prévues pour le 29 mai prochain. Comme pour la présidentielle de novembre dernier, ces élections seront jugées par la Haute Cour Constitutionnelle (HCC). A l’époque, le HVM était parmi les formations politiques qui ont revendiqué le changement des membres de cette juridiction, comme aussi ceux de la Commission électorale nationale indépendante (CENI), en raison, dit-on, de leur partialité plus ou moins flagrante en faveur des candidats pro-régime. Et vous continuez d’ailleurs de soutenir cette revendication en ce qui concerne ces législatives. Que pouvez-vous dire ?

Comme je l’ai dit plus haut. Les institutions ont beaucoup perdu de leur valeur. Nul n’ignore l’allégeance de ces membres de la HCC et de la CENI au pouvoir en place. C’est-à-dire qu’ils ne vont faire que ce que les tenants du pouvoir leur demandent de faire. C’est pourquoi, nous autres, le HVM avec les autres formations du « Firaisankin’ny Malagasy », avons pensé que ces législatives seront une occasion de prendre notre revanche par rapport à ce qui s’est passé lors de la présidentielle. Nous n’allons plus nous laisser faire, car c’est l’opportunité pour nous de siéger parmi les autres institutions du pouvoir. Voilà pourquoi, nous serons très vigilants en ce qui concerne toutes les opérations du processus électoral. Nous surveillerons très étroitement les velléités de fraudes d’où qu’elles viennent. Et pour en revenir à la HCC et la CENI, on sait que ce ne sont que des instruments politiques commandités. Mais justement, la plupart des problèmes qui affectent la vie de ce pays, proviennent des décisions de justice…

En attendant, est-ce que le Firaisankin’ny Malagasy va couvrir toutes les circonscriptions prévues pour ces législatives ?

Nous y travaillons et nous pensons avoir des candidats dans tous les districts.

Vous parliez tout à l’heure de décisions de justice : que pouvez-vous dire en ce qui concerne la décision de la HCC à l’encontre de Christine Razanamahasoa et Herimanana Razafimahefa ?

J’ai parlé tout à l’heure de voix qui portent. Ces deux personnalités sont à considérer comme les porte-paroles de la population lorsqu’elles ont voulu s’exprimer sur les maux et problèmes endurés par cette population. Pour ma part, je ne peux que saluer leur courage. Leur tort aura peut-être été de dire les vérités qui existent. Ce qui sûr est que ce sont des vérités qui blessent et dérangent, mais que le pouvoir ne semble digérer car elles ont été dites des personnes de son entourage de l’époque. Certains dirigeants pensent que Madagascar appartient à eux seuls et qu’ils ont le droit de faire et décider ce que bon leur semble. Mais ce n’est pas vrai et tout a une fin…

Enfin monsieur le président : nous savons que le président Hery Rajaonarimampianina est candidat à la présidence de la commission de l’Union africaine. Pensez-vous qu’il aura une chance d’y être élu étant donné que cette candidature devrait être avalisée par le pouvoir en place ?

Je dirai que le président Hery Rajaonarimampianina a le profil pour présider cette commission de l’Union africaine. A preuve, les différents missions que l’Union africaine lui a confiées ces derniers temps.  Pour nous HVM, c’est une grande fierté. Mais c’est aussi une fierté pour le pays de siéger au sein de cette commission, car nous pouvons profiter de nombreux avantages qui vont contribuer au développement de notre nation. Sur ce point, je pense que le président de la République doit adopter une vision objective.

Propos recueillis par
Miadana Andriamaro

Vous aimerez aussi