ANDAFIAVARATRA : Encore rien de concret sur les Îles Éparses

Ayant débuté vers 8h30 de ce matin, la première réunion de la commission mixte franco-malgache sur les Îles éparses, s’est terminée aux alentours de 12h45. Soit à peu près durant quatre heures durant lesquelles les deux délégations en présence se sont échangé leurs idées et arguments respectifs en vue de concrétiser les souhaits annoncés en mai dernier à Paris par les deux présidents Emmanuel Macron (France) et Andry Rajoelina (Madagascar). Lors de cette rencontre de mai 2019 à l’Elysée (Paris), Andry Rajoelina et Emmanuel Macron avaient annoncé qu’ils allaient reprendre les discussions sur ces îles éparses, via  la mise en place d’une commission mixte… afin d’aboutir à une solution consensuelle d’ici juin 2020.

Mais c’est seulement six mois après cette annonce que ladite commission mixte fut effectivement constituée, et encore qu’il a fallu cette déclaration d’Emmanuel Macron du 23 octobre dernier pour « faire bouger les choses ». Alors qu’il s’est rendu dans les îles Glorieuses  ce jour-là, le président français a clairement fait savoir à qui de droit : « Ici, c’est la France ».

Auparavant, dans une déclaration faite au sortir de sa rencontre avec la mairesse de la capitale Lalao Ravalomanana, le 20 octobre 2015, l’ancienne ambassadrice de France à Madagascar, Véronique Vouland-Anéini avait aussi souligné : « Les îles éparses appartiennent à la France ».

Aussi, on peut avancer que la délégation française, lors de cette réunion de ce matin à Andafiavaratra, s’en serait fermement tenue à ces deux déclarations tout au long des discussions.

De quoi va alors accoucher cette réunion d’Andafiavaratra ? En tout cas, rien n’en a filtré, les deux chefs de délégation ayant tout simplement indiqué à l’issue de la réunion qu’ils allaient d’abord rendre compte de leurs travaux à ceux qui les ont mandatés, c’est-à-dire aux deux présidents précités. Mais cela se comprend aisément, car il faut aussi savoir qu’on a affaire ici à des négociations de la plus haute importance pour les deux pays : il est même question de souveraineté nationale, notamment pour la partie malgache qui a revendiqué la propriété  de ces îles depuis 1976. Une revendication reconnue et officialisée par l’Organisation des Nations Unies dans sa résolution n°34/91 du 12 décembre 1979, lors de la 34ème session de l’Assemblée générale de l’Organisation.

Mais le fait est que depuis toujours, la France n’a jamais fait grand cas de cette résolution des Nations Unies, tandis que tous les dirigeants qui se sont succédé au pouvoir à Madagascar n’ont jamais osé rien  réclamer en ce qui concerne ces îles éparses. Ils sont plutôt et surtout préoccupés aux quêtes de soutiens financiers pour la réalisation de leurs promesses et programmes de développement.

En 2016, l’ancien président de la République Hery Rajaonarimampianina avait timidement annoncé l’idée d’une cogestion de ces îles avec la France. Andry Rajoelina a essayé de relancer la question lors de sa rencontre de mai dernier avec Emmanuel Macron, ce qui a abouti à la mise en place de ladite commission mixte dont les résultats de ses premiers travaux ne seront donc annoncés qu’après cet indispensable compte-rendu aux deux présidents français et malgache.

En attendant et pour rappel, la France avait déclaré siennes ces îles éparses en 1892 puis en 1897. Cette décision a été confirmée par un décret en ce sens du Président français en 1960, trois mois avant la proclamation de l’indépendance de Madagascar. Ensuite, une loi de 2007 les a inclus dans la liste des terres australes et antarctiques françaises. Dans les années 1970, Madagascar a saisi l’ONU d’une demande de lui transmettre ces îles. L’ONU l’a reconnue comme juste dans sa résolution 34/91 de la 34ème session de l’Assemblée générale du 12 décembre 1979 et appelé la France à lancer immédiatement des négociations avec Madagascar afin de lui restituer les îles éparses illégalement aliénées. Paris ne cesse pourtant d’ignorer les exigences d’Antananarivo et de l’ONU.

Et cela risque encore d’être le cas actuellement, à moins que les deux parties ne trouvent effectivement une solution consensuelle au problème.

Cogestion ou pas ?

Interviewé par Radio France Internationale (RFI) en marge de la rencontre des deux présidents Rajoelina et Macron, voici ce qu’a expliqué l’ancien ministre des Affaires étrangères, Naina Andriantsitohaina, concernant l’idée de cogestion ou pas de ces îles éparses.

RFI : Les présidents malgache et français ont annoncé cette semaine vouloir régler la question des îles Éparses d’ici l’année prochaine. Ce sont des négociations bilatérales qui sont prévues avec la mise en place d’une commission mixte. Pouvez-vous nous en dire un petit peu plus ?

Naina Andriantsitohaina: Ce qui est important de retenir, c’est la volonté d’avancer. Depuis 1979 maintenant où il y eut une résolution des Nations Unies qui a ordonné la reprise de discussions pour réintégrer les îles Éparses, il n’y a eu qu’une réunion qui s’est tenue en 2016 et encore, elle s’est tenue parce que le secrétaire général des Nations unies, à l’époque, avait insisté et alerté sur le fait qu’on n’avait pas respecté la résolution des Nations unies.

Aujourd’hui, l’ambiance est complètement différente et les deux présidents souhaitent avancer. On est davantage dans un esprit d’ouverture. On n’est pas campé sur nos positions. Il faut se mettre autour d’une table et commencer à aborder les problèmes de fond en dépassionnant les débats et ce qui est bon, c’est qu’ils se sont donné une limite de temps qui est l’anniversaire de l’indépendance de Madagascar, en juin prochain, pour essayer de trouver une solution.

Que peut être cette solution ? Est-ce que ce sera de la cogestion ? Est-ce que ce sera une restitution pure et simple ?

Les options sont ouvertes. Il y a bien au départ un problème de souveraineté nationale et d’intégrité de territoire. Cela, c’est la première chose. La deuxième, ce sont des enjeux d’abord géostratégiques parce que la zone accueille un flux maritime important et tout le monde a intérêt à ce que cette zone soit sécurisée.

Ensuite, il y a le mythe économique mais c’est à moyen et à long terme. L’exploitation des nodules métalliques ou l’exploitation du pétrole ou du gaz, ce n’est, aujourd’hui, pas rentable. C’est une exploitation en eaux profondes et donc ce n’est pas encore à l’ordre du jour.

Le plus important aujourd’hui, c’est l’enjeu environnemental. Par conséquent, une grande partie des discussions va, je pense, porter sur la gestion ou la cogestion de la préservation de cet environnement maritime unique et, très probablement, aboutira à la création d’aires maritimes protégées ou éventuellement à l’encadrement de contrats pétroliers ou gaziers.

Puisqu’il faut être franc, Madagascar, aujourd’hui, n’a pas les moyens de sécuriser cette zone. On a beaucoup d’autres priorités comme l’éducation, la santé… et même si la sécurité maritime est un élément important du programme du président, elle concerne d’abord la sécurisation des 5 000 kilomètres de côtes parce qu’on veut d’abord empêcher que nos côtes et nos ressources naturelles soient pillées. Donc, effectivement, il y a besoin de travailler en commun – la France et Madagascar – pour que cette zone soit sécurisée avec le peu de moyens que nous avons, nous.

A noter que contrairement à l’engouement affiché des Malgaches pour les Barea, la population d’Antananarivo n’a pas été très enthousiaste à l’appel lancé par les pouvoirs publics pour faire montre de solidarité et de cohésion durant cette journée de négociation avec les Français.

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